LE FIGARO
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Le Figaro 28 mars 1998
Paysages de campagne
Un document de l'Insee et de l'Inra montre que la campagne a désormais plusieurs visages. Le mode de vie, entre ruraux et citadins, a tendance à s'harmoniser.
Rat
des villes ou rat des champs ?
Au fi1 du temps, la différence de mode de vie entre ruraux et urbains s'estompe de plus en plus. Car la campagne n'est plus ce monde homogène qui faisait fuir les paysans vers les villes à la recherche de plus de travail et de plus de confort, et qui attirait les jeunes soixante-huitards en quête d'une vie plus « vraie ». L'Insee et l'Inra ont uni leurs efforts pour tracer un portrait social des campagnes'".
Près de 15 millions de personnes habitaient en 1990 dans une commune rurale. Toutes pourtant ne vivent pas la même réalité. Selon que l'on vit dans un pôle rural offrant de 2 000 à 5 000 emplois, ou en périphérie, dans une commune rurale proche d'une ville ou dans une zone « rurale isolée », la vie ne sera pas le même. C'est sur ces bases très fines que le document Les Campagnes et leurs villes (1) a été bâti.
Morceaux choisis.
· Rural ne rime plus avec agricole... le travail de la terre n'est plus la caractéristique qui unit les ruraux. 90 % des ménages ruraux ne comptent aucun travailleur agricole. Et moins de 20 % des emplois ruraux sont des emplois agricoles.
· ... Mais la terre appartient toujours aux paysans.
L'agriculture utilise 31 des 55 millions d'hectares du territoire national. Les familles agricoles restent les principaux propriétaires fonciers.
Relations sociales plus fortes
La campagne est «ouvrière ». Les ouvriers habitant dans des zones rurales (2 millions) sont près de trois fois plus nombreux que les actifs agricoles (720 000). Plus d'un tiers de la population active rurale est ouvrière. Une proportion supérieure à celle de la ville. Une tendance qui s'explique par de nombreux départs d'usines des villes vers les campagnes où l'espace est moins cher et les contraintes d'environnement plus maîtrisables.
Bien que sureprésenté dans des secteurs sensibles aux délocalisation (cuir, textile - habillement, bois et meubles), l'emploi industriel rural ne s'effondre pas. Sa part dans l'emploi industriel national s'est même légèrement accrue. Une stabilité qui s'explique peut-être par les relations sociales plus fortes dans les zones rurales. Les employeurs seraient moins enclins à licencier en cas de difficultés et les employés seraient plus fidèles à l'entreprise et moins exigeants sur les niveaux de salaire.
Moins de RMIstes et plus d'emplois aidés. La proportion de personnes soutenues par le RMI est presque deux fois plus forte dans les pôles urbains. (3,1 % en 1995) que dans l'espace rural (1,7 %). En revanche, les emplois aidés, type contrat emploi solidarité (CES) se sont fortement développés dans les campagnes. En 1996, ils représentaient 4,2 % de l'emploi rural total, principalement dans le secteur non marchand, contre 2,7 % de 1’emploi urbain. Un écart que les auteurs de l'étude expliquent par les faibles ressources des communes rurales qui n'ont que ce moyen pour répondre à leurs missions.
Le médecin est près, l’hôpital est loin.
Dans les zones rurales le médecin généraliste le plus proche est à un peu plus de 5 kilomètres en moyenne. En revanche, les services hospitaliers de court séjour (chirurgie, maternité et médecine) se situent en moyenne à 15 kilomètres.
La Poste résiste, les banques s'en vont.
En 1996, plus d'un tiers des communes rurales sont pourvues d'un bureau de poste ou d'une agence postale. Mais elles ne sont plus que 12 % à disposer d'un guichet de banque. Le moratoire sur la fermeture des services public décidé par Edouard Balladur en 1993 a joué son rôle. En revanche,. les banques, soumises à la logique économique, ont quitté le terrain.
La bibliothèque oui, mais pas le cinéma.
Entre 1980 et 1998, le nombre de communes rurales isolées à s'être équipées d'une bibliothèque ou à bénéficier du passage d'un bibliobus a augmenté de 11,8 % à 60,5 %. La hausse en ville était dans le même temps de 9,7 % à 90,9 % de communes équipées. Le résultat est moins glorieux pour le cinéma, avec une chute de 17,7 % du nombre de communes équipées, contre une légère hausse de 0,I % pour les villes
Le grand brassage.
Entre 1982 et 1990, près de 4 millions de personnes ont quitté les villes pour habiter soit à leur périphérie soit à la campagne. Dans le même temps, plus de 2 millions de personnes les croisaient pour s'installer en ville.
Aujourd'hui, les modes de vie des urbains et des ruraux ont tendance à s'harmoniser.
Reste cependant deux différences notables :
Béatrice WETTSTEIN
(Le Figaro. - 28 mars 1998)
(1) Les Campagnes et leurs
villes. - Collection Contours et caractères